En 2050, la population française s’élèvera à 70 millions de personnes, et du fait de son vieillissement, le nombre de personnes dépendantes aura doublé par rapport à la situation actuelle. Ainsi, l’on attend plus de 4 millions de personnes âgées ayant besoin d’une forme ou d’une autre d’aide à domicile à l’horizon 2050.
Une telle perspective de développement attire logiquement l’attention sur ce secteur économique dynamique, mais encore parfois trop méconnu – et injustement critiqué. De fait, si le marché de l’aide à domicile doit bien entendu faire face à certains défis, il s’est déjà considérablement modernisé en l’espace de deux décennies, et il se révèle de plus en plus attractif pour les jeunes actifs.
Les contours du marché de l’aide à domicile
Dans l’Hexagone, le secteur de l’aide à domicile possède un « poids » économique majeur, puisqu’il représente à lui seul près des deux tiers du marché des services à la personne, pour un chiffre d’affaires annuel supérieur à 12 milliards d’euros.
Il s’agit en outre d’un secteur très hétéroclite quant aux activités considérées dans le cadre de la Nomenclature d’Activité Française. De fait, le code NAF 88.10A concerne aussi bien les métiers d’aide-ménagère que de travailleuse familiale, sans oublier l’assistante de vie, la garde-malade, l’auxiliaire en gérontologie, etc. Nous ne prétendons aucunement dresser la liste exhaustive des professions assimilée, mais sa longueur conséquente suffit à rendre compte de la diversité des métiers de l’aide à domicile.
Qui plus est, tous les niveaux d’études ou presque sont concernés par ces professions, et notons qu’il est parfois fait référence à ce secteur sous le terme de « maintien à domicile ». En effet, il s’agit d’une solution alternative pour les personnes âgées et/ou dépendantes aux EPHAD ou aux instituts médicaux spécialisés.
Pour terminer ce rapide tour d’horizon en citant quelques chiffres clés il convient de noter que 83% des entreprises du secteur ont un CA annuel inférieur à 1 millions d’euros, et que sur les 36 500 organismes de services à la personne, 17,7% étaient encore des associations, et 4% des établissements publics. Enfin, parmi les 80% d’entreprises privées, les trois principaux acteurs sont : Bien à la maison, Domusvi Domicile et Vitalliance.
Un secteur en pleine croissance, aux fortes disparités régionales
Le CA de 12 milliards d’euros que nous évoquions précédemment apparaît en croissance d’environ 10% par an depuis le début du XXIème siècle, et ce taux doit même grimper à près de 20% au cours des prochaines années. Depuis la crise de 2009, peu de secteurs d’activité peuvent se targuer de performances et d’objectifs aussi spectaculaires.
En outre, sur environ 13 000 entreprises d’aide à domicile en France, plus de la moitié n’ont pas d’employé, et seule une centaine d’entre elles affichent un effectif supérieur à 1 000 salariés. Dans le même ordre d’idée, mentionnons qu’il n’y a que trois sociétés d’aide à domicile employant plus de 10 000 collaborateurs – et il s’agit, sans surprise, de Bien à la maison, Domusvi Domicile et Vitalliance. Cette situation s’explique notamment par le fait que le gré à gré – ou autrement dit l’emploi direct par un particulier – reste très largement répandu. Le poids historique du monde associatif fonctionnant avec le bénévolat, et le niveau encore élevé de travail non-déclaré, constituent aussi des freins pour l’émergence d’acteurs majeurs dans ce domaine.
Cela étant posé, avec près d’un tiers des ménages français déclarant avoir d’ores et déjà une personne dépendante dans leur entourage, et plus de 80% des seniors souhaitant demeurer aussi longtemps que possible chez eux, le marché de l’aide à domicile s’avère très porteur. Parmi les départements comptant le plus d’entreprises d’aide à domicile, Paris, les Bouches du Rhône, et le Rhône forment le « podium », avec environ 2 700 habitants pour une société de ce secteur.
A l’inverse, la situation dans le département du Nord suscite l’interrogation, car avec plus de 2,5 millions d’habitants pour à peine plus de 500 entreprises, le ratio précédemment évoqué s’établit à plus de 4 800 habitants par entreprise d’aide à domicile. Cette « contre-performance » s’explique peut-être par une espérance de vie légèrement inférieure à la moyenne nationale, mais aussi par un taux important de chômage structurel pouvant entrainer une présence forte du travail déguisé.
Les forces du marché des services à domicile
Lorsque l’on liste des éléments qui contribuent le plus favorablement au développement du secteur, l’impossibilité physique d’en délocaliser les emplois est bien entendu d’une importance majeure. De fait, toutes les activités comprises dans le code NAF 88.10A concernent une aide aux personnes dépendantes dans l’accomplissement des tâches de leur vie quotidienne en vue de permettre de rester à domicile. Celui-ci n’étant évidemment pas transposable dans un pays à la main d’œuvre à bas coût, les professions associées sont définitivement liées au territoire national.
De surcroît, alors que de plus en plus de pans du secteur tertiaire connaissent une forme d’ubérisation, avec un développement des « freelance » via une plateforme. Le marché de l’aide à domicile ne risque toutefois pas de connaître la même tendance, pour la simple et bonne raison que c’est légalement impossible. De fait, une autorisation départementale est requise avant de pouvoir fournir de telles prestations, et conformément au décret n° 2016-502 du 22 avril 2016, le statut de micro-entrepreneur s’avère incompatible avec l’obtention de cet agrément.
Par ailleurs, et comme cela a déjà été mentionné, le volume croissant de personnes dépendantes voulant conserver une forme d’autonomie chez elles aussi longtemps que possible induit de belles perspectives de développement économique du secteur pour le moyen-long terme.
Des faiblesses, de moins en moins marquées
Pour autant, tout n’est pas rose avec les emplois d’aide à domicile et d’auxiliaires de vie, qui sont souvent perçus comme peu rémunérateurs, et ne permettant pas d’avoir de CDI à temps plein. Le côté « physique » de certains métiers revient également fréquemment parmi les reproches faits à ce secteur.
A vrai dire, sur l’ensemble de ces points, la situation réelle n’est certainement pas aussi difficile que les clichés et les préconceptions peuvent le laisser croire. En effet, s’il a longtemps été délicat d’attirer des profils qualifiés et motivés dans ce domaine, avec un important turnover à la clé, la professionnalisation accélérée du secteur, depuis une dizaine d’années environ, a eu un impact positif indéniable.
Ainsi, de plus en plus d’offres de CDI à temps plein, correctement payés, ont vu le jour, réduisant de facto la précarité des emplois considérés. En outre, le développement des nouvelles technologies n’a pas seulement permis un gain de temps et d’efficacité – grâce, notamment, aux outils collaboratifs facilitant la gestion des plannings – mais aussi une réduction des efforts physiques nécessaires au quotidien.
Enfin, la présence prégnante du monde associatif et le « travail au noir » laissent peu à peu la place aux entreprises privées, et à un phénomène de concentration, qui devrait permettre l’émergence d’acteurs nationaux – et européens – majeurs d’ici peu. Le marché dans son ensemble ne s’en portera que mieux, avec des perspectives d’embauches significatives à la clé.